[Analyse] Des femmes surdouées de Nadine Kirchgessner



Je ne sais pas ce que vous connaissez de la douance/ haut potentiel – précocité intellectuelle, mais vous avez sûrement beaucoup plus entendu parlé de celle-ci chez les garçons et les hommes.
Il sort de plus en plus de livres sur « l’adulte surdoué » cet ovni, mal défini et par conséquent mal compris. Peut être avez vous lu certains de ces ouvrages ?


En général, ils sont très centrés sur le vécu masculin et il y a peu de témoignages féminins. Et c’est une conséquence directe du sexisme car peu de petites filles sont testées dans l’enfance. En effet, elles vont plutôt être très discrètes que turbulentes, contrairement aux petits garçons ! Comme elles ne posent pas vraiment problèmes, on ne se doutera pas de leurs capacités. Beaucoup attendront d’être mère à leur tour pour se poser la question du surdon, ce qui est vraiment à déplorer.

Étant concernée par le sujet, j’avais besoin de lire des témoignages d’autres femmes, de connaître leurs parcours pour me sentir incluse dans une communauté.

Petite parenthèse: ce qui est amusant à propos de ces livres, c’est qu’on les trouve toujours au rayon développement personnel et jamais au rayon sciences humaines, comme si quelque part on pouvait le devenir !


Alors que la douance est une combinaison de traits de caractères construits depuis l’enfance – voire la naissance – et de capacités cognitives physiologiques : c’est un peu comme si le cerveau avait la fibre et faisait des connexions entre les neurones à très haut débit. Je ne comprend pas comment on pourrait espérer développer de telles facultés…ce qui prouve bien tous les préjugés cristallisés autour de cette « spécificité »
Je précise que - bizarrement - j’ai dû commander ce livre – centré sur les femmes - auprès de ma librairie préférée car je ne l’ai pas trouvé en rayon même dans les grands magasins spécialisé dans « les produits culturels ».


Un petit mot sur l’auteure : Nadine Kirchgessner étudie la douance depuis 20 ans et elle a créée le site « planetesurdoue.fr ». Elle est aussi la mère de trois enfants doué.es. On peut dire que c’est plutôt une spécialiste de la question.


  • Petit débat sur comment s’organise la pensée d’un.e surdoué.e :

Le livre débute avec un point sur la notion de douance, un historique, comment on la détecte, les préjugés l’entourant etc. elle critique également le concept de pensée en arborescence de Jeanne Siaud-Facchin et son ouvrage aussi « Trop intelligent pour être heureux ».

Elle met les choses aux points en disant qu’aucunes recherches en neuroscience a pu corroborer la théorie selon laquelle les personnes surdouées ont un mode de pensée pour une idée en vient dix autres. Elle dit que c’est impossible que le mode de pensées soient aussi anarchiques… Je dois dire que je ne suis pas du tout d’accord avec l’emploi de ce terme car il est rempli de préjugés et son emploi est généralement fait à mauvais escient de façon péjorative pour ridiculiser ou diminuer. Si on se penche réellement sur la définition du concept d’anarchie on découvre qu’il s’agit plutôt d’une absence de hiérarchisation et non d’une absence de règles.
En cela, le mode de pensée des personnes à haut potentiel pourrait être anarchique car chaque idée se déroule selon un raisonnement rigoureux et logique et aucune d’entre elle n’a plus d’importance qu’une autre car chacune mérite d’être approfondi.

Ce manque de rigueur « scientifique » dans l’utilisation d’un concept important à mes yeux est vraiment dommageable. Mais je le pardonne volontiers car il s’agit d’un petit détail et cela ouvrira peut être un débat !


  • Les adultes surdoué.es sont tou.te.s tristes :
Une autre critique apporté à « Trop intelligent pour être heureux ? » est qu’il est assez pessimiste sur la qualité de vie des adultes surdoué.es et qui sont aussi qualifié.es de zèbres. Nadine Kirchgessner tend à démontrer dans son essai qu’en réalité c’est plutôt le contexte et la non (re)connaissance de la douance qui les rendent malheureux.ses.
C’est aussi un débat intéressant sur l’influence de la société sur l’individu surdoué. Ça nous renvoie à ce bon vieux débat sociologique : est-ce l’individu qui fabrique la société ou est ce la société qui modèle l’individu ? Ici : est que l’individu surdoué est codé pour être malheureux ou la société le rend-il ainsi ?

Je pense qu’il faut pondérer les avis tranchés de Jeanne Siaud-Facchin et de Nadine Kirchgessner. L’hypersensibilité et le grand besoin de justice sont forcément deux facteurs favorisant la tristesse/ le désespoir, mais dans une société bienveillante qui comprendrait ce vécu, il serait beaucoup plus aisé de le vivre. C’est pourquoi l’auteure appelle à la fin du livre à détecter au plus tôt le surdon pour mettre en place un cadre bienveillant et aussi à définir avec le plus de justesse possible ses caractéristiques pour sortir des clichés.
Je suis d’accord avec elle là-dessus même si dans le fond, je suis plutôt pessimiste sur sa mise en place rapide. Il n’y a qu’à observer combien les personnes autistes sont victimes de préjugés alors qu’il y a eu beaucoup de vulgarisation autour de ce « handicap »* pour comprendre que le chemin va être long. Si vous voulez une preuve toute récente et publique : http://www.huffingtonpost.fr/2017/03/05/fillon-se-dit-pas-autiste-sattirant-les-foudres-des-internautes_a_21873834/

D’ailleurs, dans certains témoignages les personnes surdouées ont pu penser être autistes car déconnectées des autres et de leurs réalités. Je n’ai pas assez creusé le sujet mais il est possible qu’il y ait des similitudes entre l’autisme et le surdon sur le versant de la gestion de la relation à l’autre.


  • Les témoignages :

On trouve quatre types de témoignages différents dans ce bouquin :

- Les petites et jeunes filles

- Les mères de surdoué.es et surdoués

- Douance, souffrance, résilience

- Les femmes en réussite

C’est un bon panel qui représente des parcours de vies différents avec souvent un syndrome de l’imposteuse quant à la douance. Les femmes surdouées se mettent difficilement en avant car elles sont victimes d’une double discrimination : elles ont été habituées à rester modestes à cause de l’éducation genrée et à cause de leur douance elles ont peur d’être perçues comme hautaines. Il faut aussi noter que l’appartenance à telle ou telle classe social a quand même une influence sur le parcours de vie et la découverte de la douance. Les stimulations intellectuelles ne seront pas aussi facilement présentes dans tous les milieux bien qu’elles soient nécessaires ! Ce constat renforce la détection précoce ou non de la douance mais aussi la filière et la poursuite d’étude. Certaines personnes attendront d’avoir quarante ans pour la découvrir ! Quel gâchis, je partage vraiment ce point de vue avec l’auteure.

Un point intéressant qui est aussi développer est le rapport à la drogue et à l’alcool. Je n’en avais pas conscience jusque là, du risque potentiel d’avoir cette attirance pour les substances qui permettent de changer sa perception de la réalité… ça semble assez logique finalement, d’avoir besoin d’une échappatoire à un cerveau qui se calme difficilement.

J’ai apprécié la note finale et optimiste : oui il y a souffrances mais également une résilience et une force de caractère immense !

Je vous conseille vivement de lire ce livre, que vous soyez ou vous reconnaissiez à haut potentiel intellectuel, que vous ayez des personnes dans votre entourage qui le sont ou pas du tout ! Il est indispensable que l’on connaisse mieux ses particularités pour que les personnes concernées puissent les vivre sereinement !

* sur l’autisme comme handicap, j’espère ne pas être maladroite. Le handicap est une chose aléatoire, qui peut toucher n’importe quelle personne et se caractériser de nombreuses manières différentes. Il ne doit pas être jugé ni utilisé comme une insulte.


Squirrel

Commentaires

  1. Bonjour,
    Vous pointez une forme de similitude entre douance et autisme. Renseignez-vous sur le syndrome d'Asperger, vous comprendrez pourquoi votre remarque est plutôt juste et intéressante. Tous les surdoués ne sont pas Asperger, mais beaucoup d'Asperger peuvent être surdoués.

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    1. J'ai fais cette remarque justement car j'ai observé des similitudes entre mes "spécificités" et celles d'une amie autiste Asperger. Cela mériterait effectivement d'approfondir cette question.

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